mardi 20 janvier 2015

Qu'est-ce que j'écoute, là?

Acid Mothers Temple et Rosina de Peira: Live in Tolosa:
Ce double album live enregistré au Café Toulouse le 15 Novembre 2012, ne surprendra pas les fans des chevelus japonais. Riffs répétés à l'infini, bruits, tu fonces à cent à l'heure sur l'autoroute qui te mène à l'usine Haribo en feu. Rosina de Peira, grande chanteuse du répertoire occitan, apparaît malheureusement trop peu sur les quatre faces, et surtout a capella en début de morceau, pour annoncer des thèmes que les gars vont pourrir ensuite à coup de fuzz, de iouuuuuuuuuu aux synthés et de larsens dans des envolées de dix à 20 minutes. Avec beaucoup d'enthousiasme, elle apprendra au public une berceuse occitane, et il se peut aussi que d'autres moments du concert n'aient pas été gardés. On reconnaîtra le thème La Novia (enregistré en 1995 dans l'album du même nom par les japonais),qui ouvre le concert, entamé par Rosina, accompagnée par un peu polyphonie et de chant diphonique avant que l'apocalypse ne s'abatte sur nous, pauvres mortels.
Je trouve que c'est un très bon disque live, dans le sens où il donne envie à l'auditeur d'être là, au concert, à crier dans le public. ça pète de partout, on ne peut pas nier l'implication et la furie des AMT! Mais il y a néanmoins certains défauts accentués par l'écoute domestique, coupée du concert, qu'on a d'un disque : le chant parfois faux des japonais, légers pains, malgré leur enthousiasme, ou un zozo dans le public qui crie son plus beau "alleeeeeez!!!" pendant un passage relativement calme.

Simeon Ten Holt-Canto Ostinato:



Un compositeur hollandais né en 1923, qui a étudié en France avec Darius Milhaud et Arthur Honegger, mais a aussi été très préoccupé par la philosophie. Avant de se lancer dans le minimalisme, il a eu deux parties decarrière que je ne connais pour ainsi dire pas, mais à partir de la fin des années 70, il utilise ce langage très axé sur la répétition, la tonalité, et ses partitions ouvertes. La composition la plus connue, Canto Ostinato (1976-1979) pour un ou plusieurs claviers, propose une partition dans laquelle l'interprète doit piocher une grande partie de la musique. L'oeuvre est donc écrite avec une grande précision, comme d'autres de cette période, Lemniscaat et Incantatie IV, qui demandent une concentration extrême de le ou les interprètes ainsi qu'un long travail en amont, décuplé s'ils sont plusieurs. C'est très mélodique, répétitif malgré toute la richesse que permet la composition. Jongler avec les différentes interprétations peut aussi être très intéressant, mais il faut avoir la patience d'écouter les heures successives. Mais, me diriez-vous, si on écoute ces musiques-là, c'est bien quelque part parce qu'on est patient?

« Mes compositions prennent forme sans plan prédéterminé et son, comme si c’était le reflet d’une quête pour un but inconnu. Un grand don de temps, de patience et de discipline sont les pré-requis pour faire un code (génétique) productif, qui détermine éventuellement la forme, la structure, la longueur, l’instrumentation etc. Un tel procédé est laborieux, car la perception de ce code générateur est constamment troublé par les visions humaines à court terme et égocentriques, et il est dépendant de moments de clarté et de vitalité. Et puis enfin, la mer lave et polit, le temps se cristallise. »

Une vidéo d'une version de trois heures, particulièrement belle:

Lisa Germano-Happiness
C'est un peu cliché, c'est vrai, mais en ces moments de trouble, c'est bien d'avoir un peu de douceur, de sensibilité... Lisa Germano a joué du violon pendant quelques temps pour les Simple Minds, et s'est lancé dans l'aventure solo avec pas mal de succès, notamment dans cet album et le suivant, Geek the Girl, tous deux sortis chez 4Motherfuckin'AD. On est dans une pop-folk étherée, douce, mais ambitieuse, avec des belles idées d'arrangements, une tracklist cohérente (plein de petits passages instrumentaux bourdonnants parsemés dans l'album). Les textes sont simples, mais sonnent juste (Bad Attitude, Happinness) mais ne sont pas hurlés à la face du monde comme chez Cocteau Twins ou Kate Bush, mais plutôt comme dans l'intimité d'un moment, une confidence lucide et un peu moqueuse entre deux banalités hypocrites.